Le Parti des Oiseaux /​Un poème

Publié par le 19 avril 2018mai 15th, 2021Poèmes

le Parti des Oiseaux

Rendez-​nous les saisons.

Rendez-​nous les hivers que vos villes ont rendus fous

Rendez-​nous les étés que vos voitures ont étouffés

Rendez-​nous l’automne aux mille couleurs de bruns et de morts.

De décomposition

Dans le regard d’une vache

Je vis l’histoire de la civilisation

Triste regard de la bête percluse

La vache est toujours déjà

De l’environnement

Rendez-​nous l’aurore claire et bleue des matins sans réverbères.

Rendez-​nous les soirs noirs.

Rendez-​nous le vent

la pluie

la neige

les torrents qui torpillent les vallées

Dans le regard d’un chien

J’ai vu la servitude d’un maitre

Rendez-​nous le chant des oiseaux aux dernières lueurs du jour

NOUS SOMMES DU PARTI DES OISEAUX 

Dans le regard d’un Merle du soir

Dans le regard d’une Chouette de la nuit

Dans le regard d’Étourneau en voyage

J’ai vu l’inquiétude de la liberté.

Rendez-​nous les étoiles ! Nous partirons à l’assaut du ciel !

Rendez-​nous la peur de marcher dans la nuit.

Rendez-​nous le bruit des branches mortes qui craquent sous nos pas.

Rendez-​nous l’angoisse.

De quoi t’as peur hein, petit ?

La vie c’est là ! tout près ! traverse la rue

Marche marche marche

Marche encore jusqu’à te coucher épuisé

Sous un grand chêne

De quoi t’as peur hein ? Petit ?

De quoi t’as peur ?

La vie c’est la !

Nous sommes du parti des rats

Des vautours, des renards

Nous sommes du parti des batraciens

Rendez-​nous les chiens

Et les abeilles

Et les loups

Et les vautours

Rendez-​nous le danger d’exister

Rendez-​nous l’existence !

Rendez-​nous la patience !

Rendez-​nous la tendresse !

Rendez-​nous l’ivresse des grands vins de soleil

Et des grands froids sous la lune !

Rendez-​nous la fortune des jours heureux

Que vous avez enfui sous vos ruines

Gisant sur l’asphalte

Et nos yeux assignés à vos lignes droites !

Nos yeux qui s’épuisent dans vos métries !

Rendez-​nous la pluie !

Nous savons que dans la Nuit

C’est encore le soleil qui éclaire.

Rendez-​nous l’ennui !

Rendez-​nous le privilège de vieillir.

Rendez-​nous le silence.

Nous savons l’heure par le chant des oiseaux,

Nous lisons les lendemains dans le ciel.

Nous sommes d’hier déjà – de demain encore

Mais nous peinons à rester aujourd’hui.

Rendez-​nous la folie !

Nous sommes du parti des cabanes

aux voix de terre Gleize.

Chiens parmi l’émeute

Égos conjurés

Égaux obstinés

Nous sommes du parti des étangs

qu’un vent

d’ouest rigole.

Rendez-​nous le bonheur !

Nous sommes du parti des fleurs

en bataille

contre les tailles

et leurs lignes droites.

Nous sommes du parti des courbes

et des méandres

des petits feux de cendre

et des salamandres

Et nos âmes ont touchés

de grands feux

de grands froids

Rendez-​nous l’ombre des sapins

Et des pins

Les chemins tortueux

Qui ne mènent nulle part

Rendez-​nous le hasard.

De quoi t’as peur hein, petit ?

La vie c’est là ! tout près ! traverse la rue

Marche marche marche

Marche encore jusqu’à te coucher épuisé

Sous un grand chêne

De quoi t’as peur hein ? Petit ?

De quoi t’as peur ?

Nous sommes la tempête qui vientjuste après les oiseaux.

Extrait de « Assigné à Existence » de Roland Devresse.

Photos : Nantes Revoltée

Images d’entête : L’Oiseau rare – peinture de Sabine Van op den Bosch